Rencontre avec Sœur Marie-Thérèse, ancienne élève de l’école Sainte-Anne

juin 1, 2021 Direction

Sœur Marie-Thérèse est religieuse et a été enseignante. Nous l’avons accueillie avec un grand plaisir pour qu’elle nous parle du temps où elle était élève dans notre école, c’est-à-dire de 1942 à 1948.

Son début de scolarité a donc été vécu sous l’occupation allemande.

Les élèves de CM1 et CM2 avaient préparé beaucoup de questions à son intention, Sœur Marie-Thérèse est restée plus d’une heure en classe à y répondre et à nous raconter certains de ses souvenirs d’enfance à l’école Sainte-Anne.

Nous la remercions chaleureusement pour le temps qu’elle nous a accordé et pour sa disponibilité.

Vous trouverez ci-dessous les questions posées par les élèves, les réponses apportées et quelques informations distillées au fil de la discussion.

Bonne lecture à tous !

L’école Sainte-Anne n’était pas mixte, c’était une école qui n’accueillait que des filles. L’école des garçons existait aussi à Plouguin à l’époque, c’était une école publique. L’école privée des garçons, c’est-à -dire l’école Saint-Pierre, n’a été ouverte qu’après la fin de la guerre. Elle fonctionnait là où se trouvent aujourd’hui la salle St Pierre et la bibliothèque.

Les classes à l’école Ste Anne étaient au rez-de- chaussée, les dortoirs au premier étage pour les plus jeunes et au second étage pour les plus grandes (le grenier d’aujourd’hui).

Sur quoi vous dormiez ?

Sur des lits d’enfants, des lits de pensionnat.

Est-ce que vous aviez des tenues spéciales ?

Nous n’avions pas d’uniforme mais tout le monde avait le même type de vêtements.

Où est-ce que vous mangiez ?

Il y avait un réfectoire où nous prenions les repas, là où sont aujourd’hui la garderie et les salles des enseignants.

Où est-ce que vous vous laviez ?

Il y avait un grand et long lavabo dans les dortoirs, pour se laver.

Combien y avait-il de récréations par jour ?

Il y en avait une dans la matinée, une plus longue après le repas de midi. La classe reprenait l’après midi jusqu’à 16h30. Puis venaient le goûter et un temps de récréation avant le temps de l’étude pour les devoirs ou la lecture. Le dîner était à 19h.

Il n’y avait pas de télévision, à l’époque, ni non plus de chauffage quand il faisait froid ! Pour se réchauffer, on marchait sur la route vers Kertanguy où les voitures ne nous gênaient pas car il n’y en avait guère à Plouguin…

On se levait, le matin à 7h/7h30.

L’école en période de guerre.

Je suis arrivée à l’école en pleine guerre, la France était occupée par les armées allemandes. Des régiments allemands étaient très présents dans la région à cause de la présence du port de Brest et de la surveillance de la côte .

L’école a été occupée quelque temps par les Allemands, ils ont laissé les dortoirs et le réfectoire à la disposition des élèves mais pas les classes qui, elles, étaient mobilisées pour entreposer leur matériel …. Et la cour de l’école leur servait de terrain d’exercice.

Pendant cette période, les enfants les plus jeunes travaillaient dans le réfectoire.

Les CE occupaient la petite chapelle près de l’église du bourg où les tables de classe avaient été transportées.

Les plus grandes étaient dans un hangar qui appartenait au boucher de l’époque, qui était  lui-même prisonnier en Allemagne.

Est-ce qu’il y avait le droit d’appeler les parents ?

Il n’y avait pas de téléphone, comme aujourd’hui !

Nous voyions la famille toutes les semaines, le dimanche , avant ou après la messe… Les familles venaient nous voir et récupérer le linge de rechange et …apporter le beurre pour mettre sur le pain !…

Combien de temps les Allemands sont restés dans l’école ?

Quelques mois, sans doute…

Est-ce que votre maison avait été prise par les Allemands ?

Non, mais beaucoup de maisons dans la région ont accueilli les familles qui avaient fui Brest à cause des bombardements. On entendait les explosions de bombes jusqu’à Plouguin.

Les élèves, qui étaient très nombreuses pendant la période de la guerre, étaient originaires surtout de Plouguin mais aussi de Guipronvel, Coat Meal, Tréglonou, Tréouergat, un peu de Lanrivoaré… Il y en avait même de Brest, réfugiées pour échapper aux bombardements.

Est-ce qu’il y avait des élèves juives ?

Non, je ne pense pas. Mais il y avait une famille réfugiée d’Alsace qui avait fui. Deux filles étaient avec nous à l’école.

Comment est-ce que vous rentriez chez vous alors que c’était la guerre ?

Les familles venaient nous chercher en voiture à cheval ou on rentrait à pied quand on était plus grandes.

Est-ce qu’il y avait beaucoup de jours d’école par semaine ?

Il y avait école aussi le samedi et le mercredi.

Le jeudi, pas d’école mais il y avait des travaux manuels et de la lecture.

Qu’est-ce que vous mangiez ?

Souvent les familles avaient une ferme. Elles apportaient des pommes de terre, un peu de viande.

A la place du parking, il y avait un champ où poussaient les légumes et il y avait même une vache. Un employé trayait la vache pour qu’il y ait du lait à la cantine !

Quel est votre meilleur souvenir à l’école ?

Je me souviens des balades scolaires à pied à la chapelle de Locmajan ou sur les grèves de Saint-Pabu. On pique-niquait sur l’herbe, on jouait mais on ne se baignait pas.

Est-ce que la cour a changé ?

Le bâtiment sur le côté – aujourd’hui l’aile maternelle- a été construit après la guerre… Il y avait des arbres à la place. Et aussi dans la cour.

A cette époque, on venait à l’école à partir de 6 ans et on y restait jusqu’à 14 ans ; il n’y avait pas de classe maternelle…

A l’école, comme aujourd’hui, on apprenait à lire, écrire, compter et faire des dictées, de vraies et longues dictées… On en faisait très souvent !

Ma maîtresse de CP s’appelait Mademoiselle Germaine .

Je parlais Breton mais je n’ai pas le souvenir d’avoir été gênée pour comprendre et apprendre le Français. Mademoiselle Germaine était de Plouguin et savait le breton, ce qui a sans doute beaucoup facilité les choses…

Est-ce que vous savez encore parler Breton ?

Oui, ça ne s’oublie pas.

Je crois qu’une langue qu’on a apprise au tout début de sa vie, on ne l’oublie jamais.

J’ai même passé un examen en Breton à la faculté…

Est-ce qu’il y avait des collèges et des lycées ?

Oui, mais dans des communes plus grandes ou des villes…

Pour aller jusqu’au bac, pour les filles, il fallait se rendre à Brest ou encore plus loin…

Quel a été votre premier métier ?

Je suis religieuse et j’ai été enseignante, d’abord en Maternelle pendant une année puis dans des collèges. J’y ai enseigné le Français, l’Anglais, l’Histoire-Géographie.

Puis j’ai suivi des études à Paris pour pouvoir enseigner en lycée. J’ai alors enseigné le Français, l’Anglais et le Latin. Et puis j’ai été directrice d’un collège- lycée.

Qui lavait vos vêtements quand vous étiez à l’école ?

Les familles venaient le dimanche, après la messe, pour faire l’échange des vêtements.

Est-ce qu’il y avait des résistants à Plouguin ?

Oui, il y avait un maquis de résistants, entre autres à Tréouergat.

En certains endroits, des résistants ont été fusillés…

Est-ce que vous avez vu mourir des gens devant vos yeux ?

Non, souvent les gens mouraient à cause des bombes. Les Allemands n’avaient pas le droit de tirer sans raison sur les gens qu’ils croisaient, il y a des règles à respecter dans la guerre aussi.

Les noms inscrits sur les monuments aux morts des communes sont ceux des personnes du pays tuées ou disparues pendant les guerres : Première guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale, guerre d’Algérie, d’Indochine…

Il y a eu aussi la mobilisation, au moment de la déclaration de la guerre, des hommes en âge de combattre. Parmi eux, plusieurs ont été faits prisonniers en Allemagne ou en d’autres pays, pour travailler pour ces pays.

Est-ce que vous avez vu un avion exploser ?

J’ai entendu beaucoup d’avions survoler la région. Un avion a été abattu sur la commune de Plouguin, dans la région des moulins.

C’était une époque difficile. Il y avait, de temps en temps, les alertes. Quand on savait qu’un bombardement allait avoir lieu et qu’on ignorait où, il y avait la sirène…

On rejoignait un abri, un genre de « tunnel » au bout du champ derrière l’école pour se protéger jusqu’à ce que l’alerte soit levée. Le bouche à oreille fonctionnait pour alerter, des gens veillaient.

Est-ce que vous avez vu les Américains ?

Oui, ils sont arrivés à la fin du printemps 1944 pour refouler les Allemands.

Ils ont commencé à occuper le terrain pour déloger l’ennemi de ses positions. Ils ont demandé à être hébergés dans les fermes. Il y a eu un régiment de soldats américains dans la cour de la ferme familiale. Ils nous donnaient des chewing-gums…

Est-ce que vous alliez souvent dans « l’abri- tunnel » ?

Cela s’est répété plusieurs fois mais après l’arrivée des Américains, ça s’est arrêté.

Une fois la guerre terminée, les « abris tunnels » ont disparu car ils n’étaient, le plus souvent, que des endroits un peu enterrés et cachés par des branchages ou des planches pour ne pas être repérés par les avions…

Est-ce que des enfants sont morts à cause de la guerre ?

Pas à cause de la guerre, à Plouguin, à ma connaissance. Mais on ne pouvait pas toujours manger comme il fallait, et certains enfants ont contracté la tuberculose. C’était une maladie difficile à soigner, je me souviens d’une camarade d’école qui en est morte…

Est-ce que votre papa a fait la guerre ?

Oui, il a été mobilisé. Il a été absent de la maison pendant un bon moment et finalement fait prisonnier dans un camp, en France. Avec un groupe d’amis, il a réussi à s’évader d’un camp de prisonniers de la région d’Orléans avant d’ être transférés en Allemagne.

Ils ont été poursuivis mais ont pu finalement rester chez eux.

Le travail à la ferme pendant la guerre, c’était comment ?

Pour faire du beurre, on utilisait le lait des vaches et les barattes. Cela se faisait à la main, il n’y avait pas d’électricité à la campagne, seulement au bourg.

Les Brestois venaient dans les fermes pour trouver du beurre à acheter.

Dans les fermes, il y avait en général une dizaine de vaches ou quelquefois un peu plus, trois à quatre chevaux mais pas de tracteur, bien sûr …

Et la ville de Brest ?

Brest s’est beaucoup développée à la reconstruction, les quartiers d’aujourd’hui étaient auparavant des communes aux alentours de Brest. A l’époque, Brest c’était surtout le Centre et le port…

Les blockhaus ?

Les blockhaus ont été construits pour surveiller les côtes, pour empêcher un débarquement. Du béton coulé sur la terre ou parfois dans le sable, ils sont très solides et difficiles à démolir.

Aujourd’hui ils sont envahis par la marée ou par la végétation, le plus souvent.